… tout de même 2 ans de ma vie, des empreintes qui reviennent avec l’éloignement, des sentiments transformés par le temps passé, de la douceur d’alors, quand ce que j’avais était trop prégnant pour être clairement identifié.
Je sais bien maintenant que quelque chose s’est passé là-bas, dans la fuite contre l’ennui. Il aurait été facile de ne rien faire mais ce besoin permanent d’aller chercher quelque chose, terrible quand il ne trouve rien, m’a emmené dans un monde où j’avais un temps trouvé une place. Quelque chose qui demeure et appelle une suite.
Ainsi j’ai revu ces images et vous les propose pour vous emmener dans le Banja Luka que j’ai vécu.
Nous voici dans un quartier de Banja Luka, Borik, et voici la vue depuis le premier endroit où j’ai, disons, logé …
On y voit ces espaces apparemment rangés, rectilignes, qu’on associerait volontiers à la période communiste. Ils sont pourtant loin d’être les seuls à avoir osé ces magnifiques ensembles. J’ai fini par y trouver un charme, ne serait-ce que parce que tout s’y passait tranquillement, qu’on avait tout sous la main quand il fallait, que je découvrais, surtout, qu’il y avait là un esprit que je ne connaissais pas.
Je sentais que j’avais quitté l’Europe. Même si le paysage hésitait encore.
Cette hésitation a mis encore un peu de temps à mûrir et la visite s’est finalement transformée en vie. J’aurais bientôt le droit de considérer tout cela comme un quotidien. Voilà où j’habitais, voilà où j’exerçais. Banja Luka est devenue un ensemble de quartiers et rues liés entre eux avec plus ou moins de bonheur. Des territoires se sont mis en place, avec leurs noyaux et leurs marges, toujours incertaines.
Au creux des collines ça fourmille le jour et la nuit, dès qu’il fait soleil, dès que la chaleur revient, toute une agitation qui paraît parfois sans objet mais peut devenir langoureuse, quand le soir apporte un peu de fraîcheur.
Ainsi avec l’été qui arrive il s’agit d’être dehors et y faire quelque chose. Ainsi de drôles de bonshommes ont-ils tendu une sangle pour marcher dessus. Ce qui devait n’être qu’un entraînement s’est transformé en animation régulière : il devenait simplement difficile d’approcher l’outil, défendu par une bande de débutants assoiffés de gloire et de succès.
Je ne comprenais strictement rien à ce qui se disait, malgré toute la bonne volonté du monde le serbe reste une langue qui s’apprivoise doucement. Tout comme la marche sur la bête.
C’était également le moment de sortir de la ville, de prendre les chemins de traverse et d’hésiter aux carrefours. La campagne autour de Banja Luka se prête particulièrement à la déambulation le long des chemins qui constituent encore le seul accès à nombre de villages.
Les collines nous plongent dans des bois, dans des paysages, une douceur tiède se dégage et invite à se poser, écouter simplement le paysan qui nous invite à nous arrêter, arrêter d’aller quelque part et à s’assoir à la table en bois, devant un verre, et expliquer un peu pourquoi on est là, et ce qu’on y cherche. Ils comprennent aisément quand on leur dit qu’on a déjà trouvé.
Il en reste cependant, ne serait-ce que sur le court chemin du retour. On n’est sur cette photo qu’à 15 kilomètres de Banja Luka. Oui, il y a un canyon tout proche, tout le monde l’a traversé, mais dès que l’on quitte la route la vue redevient libre, prend de la hauteur et laisse la place à un contexte tout différent. On peut associer la nature qui se présente à toutes les images qui ont fait rêver : pour ma part, à ce moment je me suis vu en Chine. L’air est encore tout transpirant de l’orage qui vient de nous surprendre. C’est moite, doré autour de nous. Nous pouvons retrouver la ville.
Voici comment nous l’avons trouvée, la ville. Elle ruisselait encore de l’affront passé. Elle s’en remettait joyeusement, comme reconnaissante : la pluie à peine cessée chacun reprenait le mouvement qu’il avait interrompu au hasard d’un abri. Dans l’ombre ambiante étincelait encore un jaune diffus qui se fixait au gré des supports. L’orage ici était accueilli, il s’infiltrait dans le quotidien de chacun comme une étape nécessaire, comme un signe de présence que tout le monde respectait.
Féérie des climat dits “tempérés”. Les hivers ici sont longs et laissent peu de place aux frileux. Je vous laisse deviner si j’en suis.
L’hiver venu, comment occuper la ville dont l’enveloppe apprivoisée se dérobe ? Une fois de plus on découvre que les choses sont complexes. Qu’il est tout à fait possible de passer d’un extrême à l’autre. Errances. Banja Luka s’est montrée implacable. J’avais droit à un terrier rutilant. Les filles elles n’en avaient que faire et m’ont alors montré à quel point elle maîtrisaient la science du talon haut. J’étais subjugué. Défait. J’avançais tout de même, à travers les jours et les nuits finissant par se confondre (quand l’obscurité tombe à 16 heures …).
Voilà donc une autre image. Est-elle plus vraie que la précédente ? Tout aussi fausse du moins.
Ainsi pour moi c’est souvent après 15 heures que les choses se passaient. Comme cette fois où je me suis rendu, sur l’invitation hasardeuse de Mme B!, à un carnaval local. Les tables étaient montées et garnies, de nourriture, de rakia, dont je ne me suis pas privé d’abuser. Jusqu’à ce que je parte vers 22 heures la salle n’a fait que se remplir. Chacun parlait à tous. Les jeunes entre eux, les jeunes aux vieux, les vieux aux jeunes, qui trouvaient là l’occasion d’élargir leur espace d’expression. Pour preuve la coccinelle et ses comparses dont le regard aimantait l’admiration d’un public tout acquis à leur succès. A croire qu’une énergie particulière anima cette journée : au retour je me laissais aller à un dernier verre qui mis sur mon chemin celle qui est aujourd’hui mon bonheur.
Alors que nous approchons de la fin d’ores et déjà programmée de ce post, je me dois de faire figurer à ce fatras de souvenirs une vue de la rue qui fait Banja Luka : Gospodska. Piétonne, elle relie la place centrale de Boska à l’église déjà présentée plus haut. Lieu idéal pour voir et être vu, l’arpenter constitue même un passe temps reconnu. A condition bien sûr de s’être habillé.
Pour moi un couloir, un mouvement statique, où tout bouge et reste semblable : surtout traversée, en vélo, à pied, un slalom rapide pour se rapprocher du point de fuite. Gospodska à peine entrevue, les corps et visages se transformant en formes, rejoignaient le champ de la décoration.
Ainsi Gospodska affiche la réussite de Banja Luka. On vient y déambuler en faisant mine d’avoir le temps, on appartient un moment à cette image de la ville.
Voici où l’on se trouve, dès que l’on dépasse la rue mythique. Malbasic est un fameux bijoutier local, qui a bien réussi et a développé ses affaires. Lui ne connaît pas la situation d’une majeure partie de la population, qui malgré les sourires et l’énergie qu’elle affiche et le pessimisme dont elle sait faire preuve continue son petit bonhomme de chemin à travers les crises.
Sur cette photo, donc, les deux édifices centraux de Banja Luka. Chaque jour j’ai pris plaisir, sans vraiment savoir pourquoi, à faire partie de ce tableau.
Enfin, ce que j’en dis, ça vaut pas mon “Kod Nane” tout ça. Pas de photo de celui-là, de toutes façons il est introuvable et se cache dans l’enceinte d’un jardin qui paraît privé. Même les locaux ne connaissent pas. Ce n’est pas un lieu où l’on sort. C’est un lieu où l’on vient s’asseoir avec les vieux qui fument, boivent une rakia, regardent l’air, les oiseaux (ceux de la cage ou ceux du dehors), et échangent les nouvelles du quartier. C’est là aussi qu’on trouve parfois des plus jeunes, boxeurs et tronches locales, qui reçoivent ici celui auquel plus personne ne parle, et qui se poste parfois aux carrefours faire la circulation. Plus jeune, il faisait la manche pour acheter des bonbons aux enfants. Si si c’est vrai, c’est Igor qui me l’a dit.
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